Israël : l’expo "Dix commandements" sensibilise à la violence contre les femmes
L'accent a été mis sur la force des ces femmes et non sur leur vulnérabilité
En Israël, une femme sur quatre est victime de violence physique, psychologique ou encore économique. Plus de 200 000 femmes ont témoigné souffrir de ces formes de violence, mais ce chiffre serait en réalité quatre fois supérieur, selon les autorités compétentes. Pour sensibiliser, de manière unique, la population à ce véritable fléau qui frappe la société et tenter de trouver des solutions réelles pour l’éradiquer, la talentueuse photographe Abby Abergel a monté un projet culturel avec Niv Adi, intitulé les "Dix commandements". Cette exposition socio-artistique hors du commun accompagne les femmes victimes de violence et révèle leur parcours depuis les ténèbres vers la lumière et la liberté. Les photographies d’une dizaine de femmes seront installées chaque mois, jusqu’en septembre dans de grandes entreprises en Israël puis dans des galeries et des halls d’hôtels, afin de toucher un large public. Reportage.
"C’est important pour les entreprises de prendre en charge le phénomène de la violence, elles ont la responsabilité d’aider leurs employées, car si une femme est victime de violence à la maison, elle ne peut ni bien travailler ni évoluer. C’est pour cette raison que nous avons choisi d’exposer dans les sociétés, car elles sont l’un des premiers endroits où l’impact peut être considérable. Nous avons fait une réécriture des Dix commandements en plaçant la femme au centre, ici, c’est elle qui dicte et exprime ses commandements", a affirmé Niv Adi, chef du projet, à i24NEWS.
Les photos seront également affichées dans des ambassades, et des sessions seront organisées pour éclairer sur le sujet et inviter le public à la discussion, ainsi que pour autonomiser les femmes et leur permettre une voie de sortie vers la délivrance. Les séminaires seront mis en place en coopération avec l'organisation Rouah Nashit.
Des portraits dans du lait : la photothérapie
L’idée du projet est née il y a deux ans, à partir de l’histoire personnelle d’Abby. Elle a commencé par photographier ses jumelles, qui sont arrivées avec trois mois d’avance, dans une baignoire de lait.
"J’avais besoin en quelque sorte de les remettre dans mon utérus pour finir un processus qui n’avait pas été achevé. J’ai ensuite photographié une amie dans du lait, puis le projet s’est étendu à plusieurs femmes, il donne beaucoup de possibilités et entoure les personnes d’une certaine bienveillance. Le lait rappelle la maternité, il a un côté rassurant et il est nourrissant, il alimente ces femmes qui ont été victimes de près ou de loin de violences", raconte Abby Abergel, photographe artistique conceptuelle.
La "voie lactée" vers la liberté
La série de photos dans le lait a été nommée "voie lactée", comme un symbole vers la liberté.
"C’est un processus très émouvant, ces photographies intimes aident à se reconnecter à soi-même, elles ont un potentiel énorme pour redonner confiance aux femmes", a déclaré Abby Abergel, qui a elle-même vécu la violence et s’en est sortie aujourd’hui. "A travers les photos, on devine la liberté qui domine, le sentiment de libération se dégage de leurs expressions et c’est incroyable d’avoir pu leur offrir cet art thérapeutique. Cela renforce les personnes qui se font photographier, de voir le rendu imprimé et la beauté qui en ressort ainsi que la créativité", assure-t-elle.
Les femmes qui viennent se faire photographier veulent avant tout retrouver leur identité et se recentrer sur elles-mêmes. D’autres s’identifient au phénomène de la "violence silencieuse" et veulent y échapper; chaque semaine de nouvelles femmes se joignent au projet.
"Le décor du lait est le même pour toutes, mais chaque femme amène son propre univers, c’est ce qui en fait la particularité de cette exposition. Cet aspect peu commun lui donne son caractère rare; les femmes sont issues de milieux très différents", a déclaré Niv Adi. "Dans le monde, lorsqu'il y a des campagnes sur les femmes battues, on voit tout de suite le côté de la violence physique alors qu’en réalité le terme de violence dissimule plein de nuances. Ici, on met en lumière la violence invisible", a-t-il ajouté
Redonner espoir
Avec ces photographies, l’accent a été mis sur la force des ces femmes et non sur leur vulnérabilité. A travers l’objectif, Abby a transformé la fragilité en pouvoir et a donné du sens à des expériences parfois traumatisantes.
"Il était important que le spectateur voie des femmes puissantes et non des victimes et c’est ce qui devait jaillir de cette exposition, qui se destine également dans un futur proche aux galeries et musées, on y montre un aspect très positif. On ne voulait pas du tout tomber dans le pathos du phénomène de la violence", a affirmé Abby.
Niv Adi assure même que les "photos donnent envie de les mettre dans son salon, cela donne un sentiment d’optimisme en prouvant qu’il est possible de se libérer de la violence par la volonté."
Les photographies exposées seront à vendre et permettront ainsi aux femmes, souvent victimes d’abus financiers de se reconstruire tant sur le plan émotionnel qu’économique.
"Je pense que chaque femme a le droit de vivre chez elle en sécurité. La violence est un vrai problème de société, c’est quelque chose qui est toujours là malgré le temps qui passe et la solution pour mettre fin à cette spirale désastreuse est entre nos mains", a conclu Abby.
A l’avenir, le projet devrait également s’exporter à Paris et en Europe.
Caroline Haïat est journaliste pour le site français d'i24NEWS
Source : i24NEWS.