Non, le conflit israélo-palestinien n’est pas une guerre de religion à proprement parler, même si sa dimension religieuse est fondamentale. Non, le sionisme ne relevait pas du complot. Non, les Etats-Unis n’ont pas été systématiquement favorables aux initiatives d’Israël. Non, aujourd’hui comme hier, les Palestiniens et les Israéliens n’approuvent pas tous les actions de leurs dirigeants. Non, l’évacuation de la bande de Gaza par les Israéliens en 2005 ne reflétait pas une volonté de dialogue avec les Palestiniens.
Malgré l’importance du traitement médiatique de ce conflit, j’entends très fréquemment des inexactitudes sur le sujet. Je crois qu’il faut embrasser les 2500 dernières années pour bien comprendre. Ce que je vous propose ici, à grands traits.
1Jérusalem, la ville trois fois sainte
Première religion monothéiste apparue dans l’histoire, le judaïsme s’est développé en Palestine dès l’époque antique. D’après la Bible, c’est Moïse qui guide le peuple hébreu depuis l’Egypte vers la « Terre promise ». David et Salomon seraient parmi les premiers rois d’Israël.
En 70 après J.-C., des juifs de Palestine se révoltent contre la domination romaine. Le général Titus réprime le soulèvement, saccage Jérusalem et détruit le second Temple. De cet édifice, il reste aujourd’hui le mur des Lamentations. Cet événement marque le début de la diaspora : les juifs se dispersent en une multitude de communautés à travers le monde mais entretiennent des liens religieux et, souvent, familiaux malgré les distances.
Dans la tradition chrétienne, c’est aussi à Jérusalem que se trouve le Saint-Sépulcre, le tombeau du Christ.
Avec la Mecque et Médine, Jérusalem est enfin la troisième ville sainte musulmane : le prophète Mohammed y aurait effectué son « voyage nocturne ». Erigés aux VIIe et VIIIe siècles, le dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa matérialisent cet épisode de la tradition islamique.
Située à quelques centaines de mètres de l’église du Saint-Sépulcre, l’esplanade des mosquées surplombe le mur des Lamentations. La juxtaposition des lieux saints des trois religions est un facteur majeur des conflits anciens et actuel.
2VIIe-XIXe siècle : domination musulmane et croisades
De sa conquête par les Arabes en 637 à la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, la Palestine est presque exclusivement dominée par des puissances musulmanes.
Seule une parenthèse chrétienne interrompt cette continuité au XIIe siècle : la Première croisade permet en effet aux chrétiens de prendre la « Terre sainte » en 1099. Ils la dominent jusqu’à leur défaite face à Saladin en 1187. Du XVIe au début du XXe siècle, Jérusalem passe sous domination ottomane.
Durant cette longue période, d’importantes communautés juives et chrétiennes vivent en Palestine sous la protection de ces différentes puissances musulmanes. Un décret du sultan ottoman de 1602 illustre bien ses obligations envers les dhimmis, c’est-à-dire les non-musulmans :
« Que tous les membres de ces communautés [juives et chrétiennes] qui s’acquittent envers moi de l’impôt […] vivent dans la tranquillité d’esprit et vaquent paisiblement à leurs affaires, que personne ne les en empêche ou porte atteinte à leur vie ou à leurs biens, en contravention avec la loi sacrée du Prophète. »
3XIXe siècle : l’essor du mouvement sioniste
Les mentions d’un rassemblement des juifs sur la « terre d’Israël » sont nombreuses dans la Bible. Au XIXe siècle, plusieurs théoriciens juifs développent un projet sioniste : dispersés depuis près de 2000 ans, les juifs devraient se rassembler vers « Sion », c’est-à-dire vers Jérusalem et la Palestine. Parmi ces intellectuels, Theodor Herz lécrit :
« Si sa Majesté le Sultan consentait à nous donner la Palestine, nous pourrions nous charger de mettre en ordre les finances de la Turquie. Pour l’Europe, nous formerions là-bas un élément du mur contre l’Asie ainsi que l’avant-poste de la civilisation contre la barbarie. »
Anecdote curieuse a posteriori, Herzl envisage aussi que l’Argentine cède une part de son territoire aux juifs.
Les migrations de juifs du monde entier vers la Palestine se développent sous l’effet des théories sionistes, mais aussi pour échapper aux persécutions antisémites telles que les pogroms, généralement liées à la montée des nationalismes. Dans les années 1890, des intellectuels sionistes comme Asher Ginsberg dénoncent cependant l’attitude « despotique » de certains migrants juifs envers les Arabes de Palestine.
En 1914, la Palestine compte entre 60 000 et 80 000 Juifs pour plus de 600 000 Arabes.
41914-1945 : les deux guerres mondiales et le mandat britannique
En 1917, en plein conflit mondial, le Royaume-Uni se positionne déjà sur la question de la Palestine. Balfour, premier ministre britannique, publie sa lettre adressée au sioniste Lord Rothschild : il s’y déclare favorable à la création en Palestine d’un « foyer national juif ».
Dans le camp des vaincus en 1918, l’empire Ottoman est démantelé par les traités de paix. A l’exception de la Turquie, le Proche-Orient est désormais administré par les puissances occidentales auxquelles la Société des Nations a confié un mandat. La Palestine relève d’un mandat britannique. Aucun Etat juif n’est alors créé.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le génocide juif initié par l’Allemagne nazie et par les régimes collaborateurs provoque la mort de cinq à six millions de personnes.
La « destruction des juifs d’Europe » accentue le phénomène migratoire. En 1945, la Palestine compte environ 553 000 Juifs pour 1 240 000 Arabes. La Shoah rend aussi d’autant plus urgente la question de la création d’un Etat juif.
51948 : la proclamation de l’Etat d’Israël
Après la Deuxième Guerre mondiale, alors que les Etats arabes du Proche-Orient obtiennent leur indépendance, l’Organisation des Nations unies vote un plan de partage pour la Palestine. Ce plan prévoit un Etat juif, un Etat arabe, ainsi qu’un statut international pour Jérusalem. Accepté par les sionistes, ce plan est refusé par les Arabes de Palestine et leurs alliés.
En 1948, alors que le plan de l’ONU n’est pas encore réalisé, le mandat britannique prend fin. Les juifs proclament l’Etat d’Israël, rapidement reconnu par les Etats-Unis et par l’URSS.
61948-1949 : la première guerre israélo-arabe
D’emblée, les Arabes de Palestine ainsi que l’ensemble des Etats arabes voisins (la Syrie, l’Irak, la Transjordanie et l’Egypte), qui ne reconnaissent par l’Etat d’Israël, lancent une offensive. La coalition arabe est vaincue en 1949.
En conséquence, Israël repousse ses frontières. Les Arabes de Palestine voient quant eux leur territoire nettement coupé en deux :
- d’une part, on trouve la Cisjordanie, bordée par Jérusalem à l’ouest et par le Jourdain à l’est ;
- d’autre part, le long de la côte méditerranéenne se trouve la bande de Gaza.
La Cisjordanie est annexée en 1950 par la Transjordanie (qui devient la Jordanie) tandis que Gaza est contrôlée par l’Egypte.
Dans les territoires nouvellement conquis par Israël, de nombreux Palestiniens sont chassés. Ils sont contraints de se réfugier dans les Etats arabes voisins : alors que les juifs se rassemblent en Israël conformément au projet sioniste, on assiste donc en même temps au début de la diaspora palestinienne.
71967 et 1973 : guerre des Six jours et guerre du Kippour
Face à l’hostilité de Nasser, le chef d’Etat égyptien, Israël lance en 1967 une guerre préventive : c’est la « guerre des Six jours ». L’armée israélienne prend la bande de Gaza, la ville de Charm-el-Cheikh sur la mer Rouge et s’installe sur la rive orientale du canal de Suez. Israël conquiert aussi de nouveaux territoires à Jérusalem, ainsi que, au nord, le plateau du Golan, au détriment de la Syrie.
L’ONU, par la résolution 242, demande à Israël de se retirer des territoires occupés. Or, les Israéliens continuent d’en occuper un certain nombre. Ils sont alors confrontés à un relatif isolement diplomatique.
Six ans plus tard, en 1973, en plein ramadan, et surtout pendant la fête juive du Kippour, Israël subit par surprise une attaque égypto-syrienne. Durant plusieurs jours, Israël enregistre les premiers revers militaires de son histoire. Puis la tendance s’inverse. L’ONU ordonne un cessez-le-feu, mais Israël poursuit sa contre-offensive. L’URSS menace d’intervenir aux côtés des pays arabes, sans suite.
Entre novembre 1973 et janvier 1974 ont lieu les premières négociations et les premiers accords israélo-arabes. La guerre du Kippour permet aux Arabes de prendre conscience que l’armée israélienne peut être bousculée. Sur le plan économique, ce conflit occasionne le premier choc pétrolier : en quelques semaines, le prix du pétrole est multiplié par quatre. L’économie mondiale est bouleversée.
8Les efforts diplomatiques
Avec l’Organisation de Libération de la Palestine, les Arabes de Palestine sont désormais représentés par une entité propre. L’OLP est rapidement reconnue par les pays arabes, puis par l’URSS. Son leader, Yasser Arafat, est entendu par l’Assemblée générale de l’ONU en 1974.
En 1979, l’Egypte et Israël signent un traité de paix. L’Egypte devient le premier pays arabe à reconnaître Israël. La Jordanie fera de même en 1994.
En 1988, l’OLP proclame la création d’un Etat palestinien en acceptant la Résolution 242 et reconnaît donc implicitement l’existence d’Israël.
Sous l’égide des Etats-Unis et de l’URSS, une première conférence de paix réunit Israël et ses voisins arabes et palestiniens, à Madrid en 1991. Deux ans plus tard, à Washington, la reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP conduit à un accord qui prévoit l’autonomie des territoires occupés et le retrait israélien de Gaza. L’Autorité palestinienne voit le jour. Arafat la préside à partir de 1996.
Mais l’image, restée célèbre, de la poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin à la Maison Blanche ne permet pas pour autant de mettre véritablement en œuvre la paix. Le statut de Jérusalem, la lutte contre le terrorisme et la question des réfugiés palestiniens constituent autant de problèmes non résolus.
En 2000, les espoirs de paix occasionnés par la rencontre de Camp David (aux Etats-Unis) sont une nouvelle fois déçus, les deux parties s’accusant mutuellement de ne pas faire de concessions.
9Colonisation israélienne, intifadas et terrorisme
A partir des années 70 se développe la colonisation israélienne en Cisjordanie. Elle est bientôt encouragée par les dirigeants israéliens. En 1980, Israël fait de Jérusalem sa capitale.
En 1987 débute la première intifada dans les territoires occupés. Cette « guerre des pierres » est une révolte des civils palestiniens contre les Israéliens défendus par leur armée. Ce déséquilibre heurte une partie de l’opinion internationale, mais aussi les Israéliens. En 1992, après la victoire du Parti travailliste, Israël valide en partie la résolution 242 et freine le processus de colonisation.
1987 est aussi l’année de la création du Hamas, « Mouvement de résistance islamique » qui ne reconnaît pas Israël et appuie l’intifada. Ses actions armées visent les militaires mais aussi des civils israéliens. Dans les années 1990, le Hamas revendique plusieurs attentats-suicides. Il dénonce les négociations menées par Arafat.
En 2000, une deuxième intifada est déclenchée. Elle est relayée par de nouveaux attentats palestiniens.
Du côté israélien, l’évolution politique se durcit contre les Palestiniens. En 2001, Ariel Sharon est élu Premier ministre. Désormais, Israël répond systématiquement aux violences palestiniennes par des interventions militaires.
Le gouvernement israélien justifie l’érection d’un mur sur sa frontière en invoquant sa sécurité face aux attentats palestiniens. Le tracé du mur est cependant contesté. Ce mur est même déclaré illégal par la Cour internationale de justice en 2004.
Ariel Sharon décide la réoccupation partielle des territoires autonomes palestiniens. Il remet aussi en cause l’Autorité palestinienne et écarte Arafat des négociations.
10Gaza, Israël et le Hamas
Israël décide en 2004 de se désengager de la bande de Gaza. Les évacuations s’opèrent en 2005, après 38 ans d’occupation. Israël pérennise du même coup ses implantations en Cisjordanie.
Côté palestinien, Yasser Arafat meurt en 2004 dans des conditions encore indéterminées, les experts étant divisés quant à la thèse de l’empoisonnement. Il est remplacé par Mahmoud Abbas.
En 2006, le Fatah, parti « modéré » représenté historiquement par Arafat, et devenu impopulaire en raison de la corruption touchant une partie de ses cadres, perd les élections. C’est le Hamas, considéré comme un groupe terroriste par Israël, qui accède au pouvoir. Les tensions s’exacerbent.
Durant l’été 2014, en réponse à des tirs de roquettes, les attaques israéliennes visent officiellement les « terroristes » du Hamas dans la bande de Gaza. Les victimes civiles sont très nombreuses.
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