Israël : une réflexion sur l’alya de France et l’identité illustrée dans la pièce "Les démons"
La pièce est basée sur une histoire vraie
La nouvelle pièce d’Avital Zer Aviv "Les démons", jouée le 19 janvier et le 7 février prochains au théâtre Simta à Jaffa aborde de manière originale, en toile de fond, l’épineux sujet de l’identité chez les nouveaux immigrants en provenance de France. Basée sur l’histoire familiale d’Avital, la pièce, mise en scène par Denise Shama, dévoile la vie de la famille Burns, qui s’est installée en Israël mais dont le père Raphaël est resté mystérieusement en France et vient uniquement à Pessah. Vingt-ans après, les membres de cette famille sont toujours à la quête de leur identité.
Alors que Raphaël refuse étrangement de faire son alya, sa fille Rose est profondément troublée par un rêve dans lequel son père l’agresse sexuellement lorsqu’elle était enfant. Ne sachant pas s’il s’agit d’un souvenir réel qui remonte à la surface ou d’une colère née du fait que son père ne rejoigne pas la famille, Rose, jouée par Avital elle-même, se retrouve face à un dilemme : doit-elle faire face au passé et bannir les démons qui la hantent ou révéler la vérité à sa famille et s'en débarrasser une fois pour toutes ?
"Le scénario a été construit à partir d'une histoire vraie, celle de ma famille qui a fait l’alya de France. Ma grand-mère est venue seule avec mon père et sa soeur tandis que mon grand-père est resté en France, promettant toujours qu’il viendrait. Je me souviens que ma grand-mère attendait avec impatience chaque chabbat son appel vidéo. Au fil des ans, mon père a découvert que mon grand-père mentait et qu’il trompait ma grand-mère. Mais il s’est aussi rendu compte du pire : c’était un pédophile. C’est pour cette raison que j’ai nommé la pièce ‘démons’ car il y a beaucoup de tabous : la 2e famille de mon grand-père en France qu’il a cachée, ou encore les agressions sexuelles sur ses petites-filles et les tromperies", a déclaré Avital Zer Aviv à i24NEWS.
La pièce jouée en hébreu, met l’accent sur la question de l’identité des nouveaux citoyens d’Israël; tout au long des scènes, la grand-mère parle beaucoup en français et ses enfants la reprennent, affirmant qu’en Israël on doit parler hébreu. Ils écoutent aussi en boucle des chansons israéliennes tandis qu’elle préfère Jacques Brel.
Le spectateur assiste alors à une véritable tension intérieure qui anime la grand-mère, tiraillée entre le bonheur d’être en Israël et les difficultés qu'elle éprouve à s’intégrer pleinement, souhaitant conserver sa culture française. En parallèle, Rose veut faire table rase de la France et de la langue française à tout prix. Elle se jette à corps perdu dans l’apprentissage de l’hébreu avec la volonté de ne faire qu’un avec sa nouvelle nationalité. Tout ce qui se réfère à son ancien pays réveille chez elle de sombres souvenirs.
"Le sujet de l’identité fait partie intégrante de ma pièce qui offre une vision sur l’immigration et interroge sur la place de cette nouvelle vie en conflit permanent avec le passé. En France, on était définis comme Juifs et en Israël on est catégorisés comme Français, je me souviens que mon père nous répétait cela sans cesse. C’est toute cette complexité que j’essaye de transmettre ici à travers le jeu de scène, car je pense que c’est quelque chose qui accompagne les nouveaux immigrants tout au long de leur vie. Personnellement, mon identité est toujours sous forme de point d’interrogation, je me sens à la fois ici et là-bas, d’ailleurs je dis quelques mots en français dans la pièce", affirme Avital.
Le spectateur est plongé dans l’univers du rêve de Rose grâce à un jeu d’acteurs impressionnant qui donne à voir le grand-père à travers un rideau lorsqu’il vient la hanter dans son sommeil. La productrice a également inventé un langage et une gestuelle spéciale pour faire ressortir les démons mais aussi les non-dits des membres de la famille, interprétés par les acteurs Aviva Joel, Liran Kantarovich, Iris Harpaz et Shlomi Nativ.
"Avec cette représentation, je souhaitais montrer les conséquences que peut avoir l'abandon sur les enfants. L’abandon qu’a connu Rose de la part de son père a eu une répercussion considérable sur sa vie d’adulte, sa vie de couple, son comportement et ses relations avec la famille en général", a déclaré Avital.
Une pièce innovante teintée d’une symbolique forte, qui remue ce que nous avons de plus précieux, notre construction en tant qu'individu à part entière. A ne pas manquer!
Caroline Haïat est journaliste pour le site français d'i24NEWS